Gisele Pelicot est devenue une icône féministe

Avignon (France) (AFP) - Le parquet français a requis lundi une peine maximale de 20 ans de prison contre l'homme accusé d'avoir enrôlé des dizaines d'inconnus pour violer sa femme sous fortes doses de stupéfiants, dans un procès qui secoue la France.

Dominique Pelicot est jugé depuis septembre à Avignon avec 49 autres hommes pour avoir organisé des viols et des abus sexuels sur Gisèle Pelicot, aujourd'hui son ex-femme. L'un des hommes est jugé par contumace.

L'affaire a choqué la France, qui comme d'autres pays a connu une série de cas d'abus sexuels, et un procureur a déclaré au tribunal que le procès devait annoncer un changement fondamental dans les relations entre hommes et femmes.

« Vingt ans, c'est beaucoup parce que c'est 20 ans d'une vie », a déclaré la procureure Laure Chabaud.

« Mais c’est à la fois beaucoup et trop peu. Trop peu au regard de la gravité des actes commis et répétés. »

Dominique Pelicot a admis toutes les accusations liées à la fourniture de médicaments anxiolytiques à Gisèle Pelicot de 2011 à 2020, l'exposant ainsi aux abus d'inconnus recrutés en ligne.

Il a documenté les crimes dans des photos et des vidéos découvertes par la police après avoir été surpris en train de filmer les jupes des femmes en public.

« C'est un moment très émouvant », a déclaré Gisèle Pelicot en entrant dans la salle d'audience.

- « Changer fondamentalement » -

Les procureurs doivent également exiger des sanctions pour les autres accusés : des hommes âgés de 26 à 74 ans, issus de tous les horizons.

« Ce procès bouleverse notre société dans nos rapports les uns aux autres, dans les rapports les plus intimes entre les êtres humains », a déclaré Jean-François Mayet, l'autre procureur.

La société française doit « comprendre nos besoins, nos émotions, nos désirs et surtout prendre en compte ceux des autres », a-t-il déclaré.

Le parquet a requis la peine maximale contre Dominique Pelicot

Ce qui est en jeu, a-t-il ajouté, « n’est pas une condamnation ou un acquittement » mais « de changer fondamentalement les relations entre les hommes et les femmes ».

De nombreux accusés ont fait valoir devant le tribunal qu'ils croyaient aux affirmations de Dominique Pelicot selon lesquelles ils participaient à un fantasme libertin, dans lequel sa femme de l'époque avait consenti à des contacts sexuels et faisait seulement semblant de dormir.

Parmi eux, 33 ont également affirmé qu’ils n’étaient pas dans leur état normal lorsqu’ils ont abusé ou violé Gisèle Pelicot – une défense qui n’est étayée par aucun rapport psychologique établi par des experts désignés par le tribunal.

« En 2024, on ne peut plus dire : « puisqu’elle n’a rien dit, elle a accepté », a déclaré Me Chabaud. « L’absence de consentement ne pouvait être ignorée par les prévenus. »

Les demandes de détermination de la peine devraient prendre trois jours complets, les procureurs estimant à 15 minutes en moyenne par accusé.

La plupart, dont Dominique Pelicot, sont accusés de viol aggravé.

« Les faits et la personnalité de chaque accusé ont été pris en compte même dans nos demandes de peine », a déclaré Me Mayet.

- 'Tu avais raison' -

Alors que 11 semaines d'audiences se sont achevées la semaine dernière, l'un des avocats de Gisèle Pelicot, Antoine Camus, a appelé à ce que « vérité et justice » soient rendues à la femme, à ses enfants, David, Caroline et Florian, et à ses petits-enfants.

Les juges ne rendront pas leur décision avant fin décembre.

Le parquet a requis une peine de 17 ans de prison contre un accusé, Jean-Pierre M., 63 ans, qui a appliqué les pratiques de Dominique Pelicot contre sa propre épouse en la violant une dizaine de fois, parfois en présence de Pelicot.

La dernière fois, c'est la femme de Jean-Pierre qui s'est réveillée. « Je demande à mon mari ce qui se passe. Il me dit que c'est pour voir mes sous-vêtements et puis il se prend au jeu des mensonges », raconte sa femme, Cilia M., qui n'a pas porté plainte pour protéger leurs cinq enfants, dont l'un est handicapé.

Gisèle Pelicot a insisté pour que le procès soit ouvert au public

Parmi les accusés restants, 35 nient avoir participé à un viol.

Les observateurs surveilleront si les procureurs demandent des peines plus lourdes pour ceux qui sont venus violer Gisèle à plusieurs reprises que pour ceux qui ont répondu une fois à l'invitation de Dominique Pelicot.

Le procès a fait de Gisèle Pelicot, qui a insisté pour que les audiences soient publiques, une icône féministe dans la lutte des femmes contre les abus sexuels.

Le procureur Mayet a salué le « courage » et la « dignité » de Gisèle Pélicot, victime de quelque 200 viols répétés, dont la moitié imputés à son ex-mari.

Mayet l'a remerciée d'avoir permis que les audiences se tiennent en public et d'avoir permis que soient montrées certaines des quelque 20 000 photos et vidéos prises à son insu par Dominique Pelicot.

« Vous aviez raison, madame : les dernières semaines ont montré l'importance de montrer cela, pour que la honte change de camp », a-t-il ajouté.

bur-tgb-sjw-as/tw