Le chef du parti RN, Jordan Bardella (à gauche), a déclaré qu'il n'assumerait le rôle de Premier ministre que si son parti obtenait la majorité absolue des 577 sièges de l'Assemblée nationale.

Paris (AFP) - Les forces politiques françaises se sont lancées vendredi dans leurs derniers efforts pour remporter des élections législatives cruciales qui pourraient voir l'extrême droite prendre le contrôle du gouvernement, une première historique.

La campagne officielle se terminera à minuit, suivie d'un jour de congé le samedi, pendant lequel toute activité politique sera interdite avant le vote de dimanche. Une autre semaine de campagne mènera ensuite au second tour décisif le 7 juillet.

Le Rassemblement national (RN) d’extrême droite est pressenti pour remporter les élections, ce qui pourrait lui donner le poste de Premier ministre pour la première fois de son histoire dans une « cohabitation » tendue avec le président centriste Emmanuel Macron.

"Je veux bien sûr éviter que les extrêmes, notamment l'extrême droite, puissent gagner" le scrutin, a déclaré vendredi le Premier ministre de Macron, Gabriel Attal, sur BFMTV.

Les sondages d'opinion suggèrent que son alliance centriste n'arrivera qu'en troisième position derrière le RN et une large mais fragile coalition de gauche, le Nouveau Front populaire (NFP).

Le président français Emmanuel Macron a suscité la controverse en plaçant la coalition de gauche et l'extrême droite sur le même pied, qualifiant les deux d'« extrêmes ».

Le chef du parti RN, Jordan Bardella, 28 ans, aurait la possibilité de diriger un gouvernement en tant que Premier ministre.

Il a insisté sur le fait qu'il ne le ferait que si son parti obtenait la majorité absolue des 577 sièges de l'Assemblée nationale après le second tour.

Bardella a été sacré personnalité politique la plus populaire de France dans un sondage Toluna-Harris Interactive publié vendredi, avec 40 pour cent des 1 019 personnes interrogées lui faisant confiance, soit quatre points de plus que Macron.

Mais la voie de son parti vers la victoire pourrait être bloquée si la gauche et le centre-droit s'unissent contre le RN au second tour.

Macron a suscité la controverse ces deux dernières semaines en mettant sur le même pied la coalition de gauche et l'extrême droite, qualifiant les deux d'« extrêmes ».

S'exprimant jeudi à Bruxelles, il a toutefois laissé entendre qu'il soutiendrait les gauchistes modérés dans un duel contre l'extrême droite.

- 'Message sérieux' -

Macron a également fustigé « l'arrogance » de l'extrême droite, qui avait « déjà attribué tous les postes » avant les élections, et a remis en cause le rôle constitutionnel du président en tant que commandant en chef de l'armée.

« Qui sont-ils pour expliquer ce que devrait dire la constitution ? », a-t-il demandé.

La triple candidate du RN à la présidentielle, Marine Le Pen, avait attisé les tensions en affirmant que le titre de commandant en chef du président était purement « honorifique ».

Dans le cas où Macron devrait partager le pouvoir avec un gouvernement dirigé par le RN, « c'est le Premier ministre qui tient les cordons de la bourse », a-t-elle prévenu.

Lors d'un débat télévisé jeudi soir, Attal a déclaré que les propos de Le Pen envoyaient un « message très grave pour la sécurité de la France ».

Macron a affirmé qu'il terminerait son deuxième mandat jusqu'à son expiration en 2027, quel que soit le parti qui sortira vainqueur des prochaines élections législatives.

La triple candidate du RN à la présidentielle, Marine Le Pen, a déclaré que le titre de commandant en chef du président Emmanuel Macron était purement « honorifique ».

Bardella a cherché à rassurer les électeurs sur la politique étrangère du parti, affirmant lors du débat de jeudi que le RN, qui entretenait des liens chaleureux avec la Russie avant son invasion de l'Ukraine, « ne laisserait pas l'impérialisme russe absorber un État allié comme l'Ukraine ».

Il s'est également dit opposé à l'envoi en Ukraine de missiles à plus longue portée qui pourraient toucher le territoire russe « et placer la France et les Français dans une situation de co-belligérance ».

« Ma boussole, c’est l’intérêt de la France et des Français », a déclaré Bardella.

- "Une vraie peur" -

Lorsqu’il a convoqué un vote anticipé après les élections du 9 juin au Parlement européen battues par le RN, Macron avait espéré présenter aux électeurs un choix difficile quant à savoir s’il fallait ou non remettre la France à l’extrême droite.

Un sondage Opinionway réalisé auprès de 1.058 personnes et publié vendredi dans le quotidien économique Les Echos prévoyait que le RN obtiendrait 37% des voix, le NFP 28% et l'alliance de Macron seulement 20%.

Jordan Bardella a cherché à rassurer les électeurs sur la politique étrangère du RN, insistant sur le fait que son parti « ne laisserait pas l'impérialisme russe absorber un État allié comme l'Ukraine ».

Au second tour, le RN "peut non seulement envisager une majorité relative, mais on ne peut pas exclure, loin de là, une majorité absolue", a déclaré à l'AFP Brice Teinturier, directeur adjoint de l'institut d'enquête concurrent Ipsos.

Lors du débat de jeudi, Attal a accusé 100 candidats du RN en lice d'avoir tenu des « propos racistes, antisémites et homophobes », des affirmations que Bardella a dénoncées comme « totalement fausses ».

Le parti a été entraîné dans une nouvelle controverse concernant son projet d'exclure les binationaux des postes stratégiques clés de l'État.

Roger Chudeau, candidat à sa réélection dans le département de Loire-et-Cher, dans le centre de la France, a qualifié d'« erreur » le mandat de l'ancienne ministre franco-marocaine de l'Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, affirmant que les binationaux avaient des « loyautés partagées ».

Le Pen a rapidement désavoué ces propos après une vague d'indignation, affirmant qu'ils allaient « totalement à l'encontre des projets du RN » et constituaient une « opinion personnelle ».