Port-au-Prince est soumis à un état d'urgence d'un mois avec un couvre-feu nocturne de plus courte durée.

Kingston (Jamaïque) (AFP) - Les envoyés des principaux pays devaient se réunir lundi en Jamaïque pour discuter de l'instabilité croissante en Haïti, où la violence des gangs a paralysé la capitale pauvre du pays et contraint les diplomates étrangers à évacuer ce week-end.

Les groupes armés, qui contrôlent déjà une grande partie de Port-au-Prince ainsi que les routes menant au reste du pays, ont semé le chaos ces derniers jours en tentant de renverser le Premier ministre Ariel Henry.

Au pouvoir depuis l’assassinat du président Jovenel Moise en 2021, Henry cherchait à l’étranger à renforcer le soutien à une mission de soutien à la sécurité soutenue par l’ONU lorsque la dernière explosion de violence a éclaté. Il n'a pas pu revenir.

Le groupe CARICOM des nations des Caraïbes a convoqué ses dirigeants ainsi que les envoyés des États-Unis, de la France, du Canada et des Nations Unies à une réunion à Kingston, en Jamaïque, pour discuter de la crise.

Les États-Unis envoyaient lundi matin leur plus haut diplomate, le secrétaire d’État Antony Blinken, qui a quitté Washington pour Kingston.

Il devait discuter d'une proposition « développée en partenariat avec la CARICOM et les parties prenantes haïtiennes pour accélérer une transition politique en Haïti », a indiqué le Département d'État.

Le président guyanais Mohamed Irfaan Ali, président actuel de la CARICOM, a déclaré lundi matin que les pourparlers visant à ramener « la stabilité et la normalité » en Haïti étaient en cours, mais que les parties prenantes haïtiennes « ne sont pas là où elles devraient être ».

« Le temps ne joue pas en leur faveur pour s’entendre sur la voie à suivre », a prévenu Ali dans une vidéo sur les réseaux sociaux.

Véhicules carbonisés dans la rue au milieu de la violence des gangs à Port-au-Prince, Haïti, le 9 mars 2024

Les journalistes de l'AFP ont vu des corps gisant dans les rues de Port-au-Prince et quelque 362 000 Haïtiens ont été déplacés, selon l'Organisation internationale pour les migrations.

L'Union européenne a annoncé lundi que tout son personnel diplomatique avait été évacué d'Haïti, un jour après que les États-Unis ont annoncé avoir évacué par avion le personnel américain non essentiel de leur ambassade.

Le ministère allemand des Affaires étrangères a quant à lui indiqué que son ambassadeur était parti dimanche pour la République dominicaine « en raison de la situation sécuritaire très tendue en Haïti ».

- Attaques de gangs -

Samedi, des dizaines d'habitants ont cherché refuge dans des bâtiments publics et au moins un cas y sont entrés par effraction pour chercher refuge, selon un correspondant de l'AFP.

La police a repoussé vendredi soir les attaques des gangs, notamment contre le palais présidentiel, tandis que plusieurs « bandits » ont été tués, a déclaré Lionel Lazarre, du syndicat de la police haïtienne.

Une femme âgée, touchée par une balle dans le pied, gît dans la rue à Port-au-Prince, en Haïti

Les gangs bien armés ont récemment attaqué des infrastructures critiques, dont deux prisons, permettant à la plupart des 3 800 détenus de s'échapper.

Aux côtés de quelques Haïtiens ordinaires, les gangs cherchent à obtenir la démission d'Henry, qui devait quitter ses fonctions en février mais a plutôt accepté un accord de partage du pouvoir avec l'opposition jusqu'à la tenue de nouvelles élections.

Washington a demandé à Henry de mettre en œuvre des réformes politiques urgentes. Il se trouvait au Kenya lorsque les violences ont éclaté et serait désormais bloqué sur le territoire américain de Porto Rico.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a donné son feu vert en octobre à une mission multinationale de police dirigée par le Kenya, mais ce déploiement a été bloqué par les tribunaux kenyans.

- Sans abri et « en fuite » -

Port-au-Prince et ses environs sont soumis à l'état d'urgence depuis un mois, tandis qu'un couvre-feu nocturne est en vigueur jusqu'à lundi, même s'il est peu probable que la police, surchargée, puisse le faire respecter.

Des habitants fuient leur domicile alors que la violence des gangs s'intensifie à Port-au-Prince, en Haïti, le 9 mars 2024.

A Port-au-Prince, Filienne Setoute a raconté à l'AFP avoir travaillé pendant plus de 20 ans au ministère des Affaires sociales et du Travail.

Ce travail lui a permis de « construire ma propre maison », a-t-elle déclaré. «Mais maintenant, me voilà, sans abri. Je m'enfuis sans savoir où aller, c'est un abus.»

L'aéroport d'Haïti est resté fermé tandis que le port principal – clé pour les importations alimentaires – a signalé des pillages depuis la suspension des services jeudi.

Signe d'espoir, une paroisse catholique a déclaré dimanche que quatre missionnaires et un associé avaient été libérés après avoir été kidnappés le mois dernier à Port-au-Prince, où les enlèvements sont devenus monnaie courante.