C'est au revoir à sa majorité au parlement

Paris (AFP) - Le président français Emmanuel Macron et ses alliés se bousculaient lundi pour sortir de l'impasse politique après avoir perdu leur majorité parlementaire dans un coup dur pour le président et ses plans de réforme.

La coalition Ensemble (Ensemble) de Macron est devenue le plus grand parti lors du vote de dimanche à l'Assemblée nationale, mais il lui manquait des dizaines de sièges pour conserver la majorité parlementaire dont elle jouissait depuis cinq ans.

Des poussées à gauche et à l'extrême droite ont détruit la position dominante des députés de Macron qui, depuis cinq ans, avaient soutenu sans faute la politique du président.

La participation a été faible, avec un taux d'abstention de 53,77 %.

Le quotidien de gauche Libération a qualifié le résultat de "gifle" pour Macron, tandis que le conservateur Le Figaro a déclaré qu'il était désormais "face à une France ingouvernable".

L'alliance Ensemble de Macron a remporté 244 sièges, bien en deçà des 289 nécessaires pour une majorité globale.

Une victoire pour Le Pen

L'élection a vu la nouvelle alliance de gauche NUPES faire des gains pour devenir la principale force d'opposition avec ses alliés sur 137 sièges, selon le ministère de l'Intérieur.

Mais on ne sait pas si la coalition des socialistes, des communistes, des verts et de la France insoumise d'extrême gauche restera un bloc uni à l'Assemblée nationale.

Pendant ce temps, l'extrême droite sous Marine Le Pen a affiché la meilleure performance législative de son histoire, devenant le parti d'opposition unique le plus fort avec 89 sièges, contre huit dans la chambre sortante.

Une Le Pen confiante a déclaré que son parti exigerait de présider la puissante commission des finances de l'Assemblée nationale, comme c'est la tradition pour le plus grand parti d'opposition.

"Le pays n'est pas ingouvernable, mais il ne sera pas gouverné comme le voulait Emmanuel Macron", a déclaré lundi Le Pen aux journalistes.

Le Pen a déclaré qu'elle abandonnerait désormais la direction de son parti et se concentrerait plutôt sur la gestion de son groupe parlementaire.

- 'Je ne peux pas simplement continuer' -

Le brandon d'extrême gauche Jean-Luc Melenchon, qui dirige l'alliance NUPES, a déclaré qu'il déposerait une motion de censure contre la Première ministre de Macron, Elisabeth Borne, dès juillet.

"Le gouvernement formé par Emmanuel Macron ne peut pas continuer comme si de rien n'était", a déclaré lundi l'allié de Melenchon, Manuel Bompard.

Elisabeth Borne pourrait devenir la cible d'une première motion de censure

Borne, qui a été élue au parlement lors de sa toute première course politique, était considérée comme vulnérable alors que Macron fait face à un nouveau remaniement du cabinet après que plusieurs de ses principaux alliés aient perdu leur siège.

Ses ministres de la santé et de l'environnement ont perdu leurs sièges et, par tradition, devront démissionner, tout comme le président du parlement et le chef du groupe parlementaire de Macron.

"Pour l'instant, le Premier ministre reste le Premier ministre", a déclaré lundi la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, à la radio France Inter. "Ma crainte est que le pays soit paralysé."

Le résultat a terni la victoire de Macron à l'élection présidentielle d'avril lorsqu'il a battu Le Pen, devenant ainsi le premier président français à remporter un deuxième mandat en plus de deux décennies.

"C'est un tournant pour son image d'invincibilité", estime Bruno Cautres, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po.

"Beaucoup d'imagination"

Le brandon d'extrême gauche Jean-Luc Melenchon, qui dirige l'alliance NUPES, a déclaré qu'il déposerait une motion de censure contre la Première ministre de Macron, Elisabeth Borne, dès juillet.

Les options qui s'offrent à Macron, qui n'a pas encore commenté publiquement le résultat, vont de la recherche de la formation d'une nouvelle alliance de coalition à l'adoption d'une législation basée sur des accords ad hoc, voire même à la convocation de nouvelles élections.

L'option la plus probable serait une alliance avec les Républicains, le parti traditionnel de la droite française, qui compte 61 députés.

Le président LR Christian Jacob a toutefois affirmé que son parti entendait "rester dans l'opposition".

Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a admis que "beaucoup d'imagination sera nécessaire" de la part du parti de Macron dans ce que Le Figaro a qualifié de "saut dans l'inconnu".

"Nous entrons dans une période inédite et incertaine", a déclaré Jean-Daniel Levy de Harris Interactive France. "Il n'y a pas d'accord tout fait pour un gouvernement", a-t-il déclaré à l'AFP.

Projection du nombre de sièges au parlement français entrant par parti ou alliance, selon les résultats complets du ministère de l'Intérieur, et répartition du parlement sortant

Macron avait espéré marquer son deuxième mandat avec un programme ambitieux de réductions d'impôts, de réforme de la protection sociale et de relèvement de l'âge de la retraite. Tout cela est désormais remis en question.

Un éminent député du parti de Melenchon, Alexis Corbiere, a déclaré que le plan de Macron visant à relever l'âge de la retraite à 65 ans avait désormais été "coulé".

Dans une rare bonne nouvelle pour le président, le ministre de l'Europe Clément Beaune et le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini - tous deux jeunes piliers de son parti - ont remporté des batailles serrées pour leurs sièges.

A gauche, Rachel Keke, une ancienne femme de ménage qui militait pour de meilleures conditions de travail dans son hôtel, a également été élue, battant l'ex-ministre des sports de Macron, Roxana Maracineanu.

Les marchés financiers ont pris la nouvelle du résultat dans leur foulée, avec peu de réaction vue lundi sur les marchés boursiers ou de la dette.

"Ce n'est pas un scénario trop négatif", estime Xavier Chapard, analyste à la Banque Postale. "Le gouvernement sera toujours centriste, et il sera toujours pro-européen."

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