Un plan américain surprise pour mettre fin au conflit exigerait que l'Ukraine cède du territoire à la Russie et réduise son armée.

Kyiv (Ukraine) (AFP) - Kyiv s'efforçait vendredi de répondre à une proposition américaine qui la forcerait à capituler de fait face à la Russie après près de quatre ans de guerre, Moscou disant à Volodymyr Zelensky de négocier maintenant ou de perdre davantage de territoire sur le champ de bataille.

Zelensky s'est entretenu par téléphone avec ses principaux alliés européens après que le président américain Donald Trump a soutenu le plan surprise en 28 points qui exige que Kiev cède des territoires, réduise son armée, s'engage à ne jamais rejoindre l'OTAN et organise des élections anticipées.

L'Ukraine n'a pas réagi au contenu du plan, mais son principal négociateur a exclu d'accepter quoi que ce soit qui franchisse ses « lignes rouges ».

Le projet de traité de Washington, consulté par l'AFP, semble céder aux exigences du Kremlin, dont l'invasion de 2022 s'est transformée en le pire conflit en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Selon ce plan, Moscou conserverait non seulement les territoires qu'elle occupe, mais obtiendrait également davantage de terres actuellement contrôlées par l'Ukraine.

Dans le même temps, l'Occident lèverait les sanctions contre la Russie et Moscou serait réintégrée au sein du G8.

« L’efficacité des forces armées russes devrait convaincre Zelensky : il vaut mieux négocier maintenant que plus tard », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, aux journalistes, dont l’AFP.

« Son espace de liberté de décision se réduit comme peau de chagrin à mesure que des territoires sont perdus », a-t-il ajouté.

Zelensky a déclaré qu'il discuterait du plan avec Trump dans les « prochains jours », sans pour l'instant préciser si Kiev y consentirait.

Il s'entretenait avec le président français Emmanuel Macron, le Premier ministre britannique Keir Starmer et le chancelier allemand Friedrich Merz pour discuter de ce plan, ont indiqué à l'AFP des sources à Kiev et à Londres.

- 'Lignes rouges' -

Zelensky a insisté sur le fait que son pays avait besoin d'une « paix digne ».

« Avec un voisin comme la Russie, défendre sa dignité, sa liberté et son indépendance est une tâche extrêmement difficile », a-t-il déclaré vendredi.

Le chef du Conseil de sécurité et négociateur de Kiev, Rustem Umerov, a déclaré vendredi avoir rencontré des responsables de l'armée américaine à Washington pour discuter de la proposition.

« Aucune décision ne peut être prise en dehors du cadre de notre souveraineté, de la sécurité de notre peuple ou de nos lignes rouges – ni maintenant, ni jamais », a-t-il déclaré sur les réseaux sociaux après la réunion.

Alors que Kiev cherchait désespérément une solution, un haut responsable du parti de Zelensky a reflété l'ambiance générale.

« Être complètement abasourdi est devenu notre norme », a déclaré le député à l'AFP.

- 'Bon plan' -

L’Union européenne n’a pas encore officiellement reçu la proposition américaine, mais elle sera discutée en marge du G20 en Afrique du Sud, a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

La Maison Blanche a nié que ce plan ait été élaboré avec Moscou et le Kremlin a déclaré n'avoir pas officiellement reçu la proposition.

La porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a déclaré aux journalistes que Trump « soutient ce plan ».

« C’est un bon plan pour la Russie et l’Ukraine », a-t-elle ajouté.

Washington a toutefois averti que le document était encore en cours d'élaboration, tandis que Kiev a déclaré qu'il avait été présenté comme un « projet de plan ».

- « Russe de facto » -

Selon ce plan, consulté par l'AFP, les États-Unis reconnaîtraient les régions de Donetsk et de Lougansk, dans l'est de l'Ukraine, ainsi que la Crimée annexée par Moscou, comme « de facto russes ».

L'Ukraine retirerait ses troupes des parties de la région de Donetsk qu'elle contrôle encore, cédant ainsi davantage de territoire à la Russie, conformément à l'une des principales exigences de Moscou.

La ligne de front serait gelée dans les régions méridionales de Kherson et de Zaporijia, toutes deux partiellement occupées par Moscou, tandis que la Russie céderait de petites poches de territoire qu'elle a saisies dans les régions de Kharkiv et de Dnipropetrovsk.

L’Ukraine recevrait des « garanties de sécurité fiables » non spécifiées, tout en s’engageant à réduire la taille de son armée.

Cela obligerait également l'Ukraine à « inscrire dans sa constitution » le principe de ne pas adhérer à l'OTAN, même si des avions européens seraient stationnés en Pologne, pays voisin membre de l'OTAN.

Outre le maintien des territoires conquis, le plan prévoit également la « réintégration de Moscou dans l’économie mondiale ».

Les sanctions seraient levées et Moscou pourrait réintégrer le G8, dont elle a été exclue suite à l'annexion de la Crimée en 2014.

Depuis son retour à la Maison Blanche en début d'année, les sympathies de Trump ont oscillé à plusieurs reprises entre Moscou et Kiev, ce projet étant perçu comme un signe qu'il a adopté de nombreuses positions clés de la Russie.

Cette proposition intervient alors que les troupes russes progressent péniblement sur le champ de bataille et que Zelensky fait face à des pressions intérieures après un scandale de corruption qui a secoué le secteur énergétique du pays, déjà durement touché par la guerre.