Macron a remercié les policiers déployés sur l'île pour réprimer les émeutes

Nouméa (AFP) - Le président français a tenu jeudi une série de réunions avec des représentants locaux dans le territoire agité du Pacifique en Nouvelle-Calédonie, appelant au calme après des émeutes meurtrières et promettant que des milliers de renforts militaires resteraient en place pour réprimer "l'insurrection sans précédent".

Emmanuel Macron est arrivé dans la capitale Nouméa après un vol de 24 heures cherchant des moyens de mettre fin à plus d'une semaine de pillages, d'incendies criminels et d'affrontements qui ont fait six morts et des centaines de blessés. Les troubles ont éclaté à cause d'un projet de réforme du vote en France qui, selon les autochtones Kanak, diluerait leur voix.

A sa sortie de l'avion à l'aéroport international de la Tontouta, le dirigeant français a déclaré aux journalistes que sa "priorité absolue" est "le retour à la paix, au calme et à la sécurité".

Il devait passer environ 12 heures au sol.

La France dirige la Nouvelle-Calédonie depuis les années 1800, mais de nombreux Kanaks indigènes sont toujours mécontents du pouvoir de Paris sur leurs îles et souhaitent une plus grande autonomie ou indépendance.

Les projets de réforme du vote ont « rompu le contrat de confiance » avec Paris, a déclaré Victor Gogny, président du Sénat de Nouvelle-Calédonie – un organe consultatif qui pèse sur les questions touchant les Kanaks.

Des émeutes ravagent la Nouvelle-Calédonie depuis plus d'une semaine

Depuis le 13 mai, les séparatistes ont érigé des barricades qui ont coupé des quartiers entiers et la principale route menant à l'aéroport international, qui reste fermée.

En réponse, des Français et d’autres origines ont bloqué les rues de leurs propres quartiers.

Il s’agissait d’un « mouvement d’insurrection totalement sans précédent », a déclaré Macron, ajoutant que « personne ne l’avait vu venir avec ce niveau d’organisation et de violence ».

Des émeutes nocturnes ont vu des dizaines de voitures, d'écoles, de magasins et d'entreprises incendiés.

Les autorités françaises ont imposé l'état d'urgence, placé les dirigeants séparatistes en résidence surveillée, interdit la vente d'alcool et envoyé environ 3 000 soldats, policiers et autres renforts de sécurité pour apaiser les troubles.

- 'Double ou quitte' -

Le fait que Macron soit prêt à entreprendre un si long voyage quelques semaines seulement avant les élections européennes clés peut montrer à quel point les enjeux sont importants.

Sa visite a débuté par une minute de silence pour les morts et des échanges de plusieurs heures avec des élus indépendantistes, avant de se rendre dans un commissariat pour remercier les forces de sécurité.

« D’ici la fin de la journée », il y aurait des « décisions » et des « annonces » sur les prochaines étapes, a promis Macron – tout en ajoutant qu’il pourrait prolonger son séjour si nécessaire.

Des barricades sont restées en place dans de nombreuses rues de Nouméa

Les forces de sécurité resteraient également « aussi longtemps que nécessaire, même pendant les Jeux olympiques et paralympiques » qui se tiendront à Paris en juillet-août.

La Nouvelle-Calédonie se trouve à 17 000 kilomètres (10 500 miles) du continent français mais reste à la fois une partie de la France et un avant-poste stratégique dans une région de plus en plus contestée.

La Chine, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, le Japon, les États arabes du Golfe et la France se disputent l’influence dans le Pacifique Sud – le considérant comme un terrain géopolitique crucial.

La Nouvelle-Calédonie est également attractive en tant que l'un des plus grands producteurs mondiaux de nickel, avec jusqu'à 30 pour cent des réserves mondiales.

Les troubles les plus meurtriers de l'archipel depuis quatre décennies ont été déclenchés par le projet français d'accorder le droit de vote à des milliers de résidents non autochtones de longue durée, ce qui, selon les Kanaks, diluerait l'influence de leurs votes.

La Nouvelle-Calédonie a rejeté à trois reprises l'indépendance lors de référendums.

Mais le dernier de ces scrutins a eu lieu pendant la pandémie de Covid-19 et a été boycotté par une grande partie de la population kanak.

Macron a exclu de revenir sur le résultat des référendums, affirmant que la paix ne pouvait pas se faire au prix d’ignorer la volonté du peuple ou de « nier d’une manière ou d’une autre le chemin déjà emprunté ».

Il s'est rendu pour la dernière fois en Nouvelle-Calédonie en juillet 2023, lors d'un voyage boycotté par les représentants kanak.

Mais les dirigeants de tous les partis indépendantistes ont participé à la réunion de jeudi avec Macron, a indiqué son bureau, y compris le mouvement de premier plan l'Union calédonienne (UC) et le collectif CCAT qui a organisé des mois de manifestations.

Dans les rues, les correspondants de l'AFP ont vu des Kanaks tenir encore des barrages renforcés le jour de la visite de Macron, brandissant des drapeaux indépendantistes et brandissant des banderoles de protestation contre la réforme électorale.

Le projet de loi "n'existe plus pour nous, depuis que des gens sont morts, il n'est même plus en discussion", a déclaré Lele, une mère de famille de 41 ans favorable à l'indépendance.

Mais une forte présence policière abritait un semblant de vie normale dans le centre de Nouméa, où de nombreux magasins avaient rouvert leurs clients et de longues files d'attente se formaient devant les boulangeries.

- 'Frustrant' -

Des centaines de touristes australiens et néo-zélandais ont commencé à fuir les troubles, même si des centaines d'autres restent coincés.

Il y avait de la colère jeudi parce que la visite hautement sécurisée de Macron avait suspendu d'autres vols de rapatriement.

Le ministère australien des Affaires étrangères a envoyé un courrier électronique aux voyageurs pour leur dire qu'il n'y aurait pas de vols jeudi, une situation que le ministre néo-zélandais des Affaires étrangères, Winston Peters, a qualifiée de « frustrante ».

Les efforts visant à rouvrir l’aéroport international aux vols commerciaux ont été retardés à plusieurs reprises. Mais les opérateurs espèrent que les connexions reprendront samedi.

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