La guerre de la Russie en Ukraine a fait grimper les prix du gaz

Bruxelles (AFP) - Les dirigeants de l'UE se sont affrontés jeudi sur la manière de surmonter le choc énergétique de l'Europe, avec des partenaires traditionnels que sont la France et l'Allemagne à couteaux tirés sur l'imposition d'un plafond sur les prix du gaz poussés à la hausse par la guerre en Ukraine.

Les 27 États membres du bloc se chamaillent depuis des mois sur des mesures visant à réduire les factures énergétiques, et un sommet de Bruxelles a commencé dans une ambiance glaciale.

Des pays comme l'Italie font pression pour un plafonnement rapide et ambitieux des prix, malgré l'opposition de l'Allemagne, la plus grande économie de l'UE.

Il y a une énorme pression politique pour agir, avec des grèves et des protestations contre le coût de la vie qui se répandent dans toute l'Europe – notamment en France et en Belgique – et les entreprises craignent la faillite.

Un porte-parole du Premier ministre italien, Mario Draghi, a déclaré avoir « souligné l'urgence d'adopter des mesures qui affectent les prix, telles que l'introduction d'un plafonnement des prix et une réforme du marché de l'électricité.

"Il a mis en garde contre le risque que le marché se fragmente, ce qui pourrait avoir des effets négatifs sur l'unité européenne si les pays qui disposent de plus d'espace budgétaire fonctionnent de manière indépendante", a déclaré le responsable, dans un coup d'œil à l'Allemagne.

Berlin risque de se retrouver isolé dans le débat.

Plusieurs petites économies sont furieuses que le gouvernement allemand ne soutienne pas un plafond d'essence et pour avoir fait cavalier seul en aidant ses citoyens à payer des prix élevés avec une manne de dépenses de 200 milliards d'euros (196 milliards de dollars).

- 'Agir en solidarité' -

Le chancelier allemand Olaf Scholz a riposté à ses détracteurs à son arrivée aux pourparlers, affirmant qu'il était "tout à fait clair que l'Allemagne a agi en solidarité" avec ses partenaires de l'UE.

Mais le président français Emmanuel Macron a mis en garde contre Berlin isolé au début des pourparlers.

"Notre rôle est de tout faire pour qu'il y ait une unité européenne et que l'Allemagne en fasse partie", a déclaré Macron. "Je ne pense pas que ce soit bon pour l'Allemagne ou pour l'Europe si elle s'isole."

Sur la table des dirigeants figurent des propositions de la Commission européenne, le bras exécutif de l'UE, qui tentent de satisfaire les points de vue divergents.

Mais ces idées ont déjà été rejetées comme timides par ceux qui veulent un plafond clair sur les prix du gaz.

Le camp adverse – défendu par l'Allemagne, mais aussi le Danemark et les Pays-Bas – prévient que cela étoufferait l'offre ou encouragerait la consommation.

Le président français Emmanuel Macron a mis en garde contre Berlin seul sur la façon de faire face à la flambée des prix de l'énergie

La pression pour une approche commune a été encore entravée par la discorde franco-allemande, qui a éclaté au grand jour mercredi lorsqu'ils ont retardé une réunion régulière entre les ministres du cabinet.

Les percées sont difficiles lorsque les plus grandes puissances de l'UE ne sont pas d'accord et que Macron et Scholz se sont rencontrés avant le sommet dans le but de trouver un terrain d'entente.

Mais la France n'a pas consulté Berlin avant de s'entendre avec l'Espagne et le Portugal pour mettre au rebut un projet de gazoduc que l'Allemagne réclame depuis des années.

Les dirigeants des trois pays se sont rencontrés et "ont décidé d'abandonner le projet MidCat et de créer à la place, en priorité, un couloir d'énergie verte reliant le Portugal, l'Espagne et la France au réseau énergétique de l'UE".

Le projet MidCat, né il y a une dizaine d'années, prévoyait la construction d'un gazoduc terrestre pour relier les terminaux gaziers d'Espagne et du Portugal, à travers la France, aux réseaux européens alimentant l'Allemagne, entre autres.

À sa place, ont-ils dit, un pipeline sous-marin – appelé BarMar – serait posé de Barcelone en Espagne à Marseille en France.

Il sera utilisé dans un premier temps pour le gaz naturel mais, au fil du temps, de plus en plus pour de l'hydrogène plus respectueux du climat.

Mais l'accord publié par Macron et ses homologues espagnols et portugais ne prévoyait aucun calendrier pour l'achèvement de BarMar et ne précisait pas comment il serait financé, laissant les experts sceptiques.

- 'Aucun' -

Les propositions de la Commission européenne pour s'attaquer à la crise énergétique plus large incluent l'idée de permettre des achats conjoints par les géants de l'énergie de l'UE afin d'imposer des prix moins chers pour reconstituer les réserves.

Une autre proposition consiste à donner à l'exécutif de l'UE le pouvoir d'établir un « corridor » de tarification sur le principal indice gazier européen pour intervenir lorsque les prix deviennent incontrôlables.

On s'attendait à ce que les dirigeants de l'UE marchandent pendant des heures sur les propositions de la commission, certains pays recherchant quelque chose de beaucoup plus ambitieux que ce qui est proposé.

Mais Scholz a de nouveau rejeté jeudi toute tentative de l'UE de plafonner les prix des importations de gaz, affirmant que cela "porte le risque que les producteurs vendent ensuite leur gaz ailleurs".

Cependant, le dirigeant allemand a salué la proposition de la Commission européenne d'achats conjoints dans l'UE.

La dernière vague russe d'attaques de drones et de missiles contre des villes ukrainiennes a endommagé le réseau électrique

Les dirigeants ont également entendu le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui s'est exprimé par liaison vidéo depuis Kyiv pour dénoncer les récentes attaques de missiles russes contre les infrastructures électriques.

"Les dirigeants russes ont donné l'ordre de transformer le système énergétique lui-même en champ de bataille", a-t-il déclaré. "Les conséquences de cela sont très dangereuses, encore une fois pour nous tous en Europe."